vendredi 27 mai 2011

Ninpo Nin-Jutsu pour les nuls- Article 3: La Voie du Guerrier

Introduction


Depuis plus d’un siècle, l’enseignement des arts martiaux traditionnels japonais c’est progressivement répandu dans le monde. Ces méthodes de combat, dont les origines remontent au Japon féodal, se pratiquent dans l’esprit du Bushido, la « Voie du Guerrier ».

Est-ce vraiment utile d’apprendre des méthodes de combat au 21ème siècle ? Si, oui quelle est leur utilité ? A notre époque qui ne manque pas de violence, est-ce que ces méthodes y participent ou au contraire apportent une réponse ?

Le but de ces quelques lignes est de tenter d’apporter quelques réponses possibles à propos de ce sujet.



Un peu d’histoire


Dans le Japon médiéval, l’ensemble des arts martiaux était appelé « Bujutsu » : littéralement technique (ou méthode) militaire. Comme dans la société médiévale occidentale, chaque seigneur possédaient ses Bushis[1] (ses soldats ou guerriers) ou plus exactement ses Samouraïs qui s’entrainaient durement afin d’accéder à la maîtrise du combat. En effet, la société japonaise était, à cette époque, rythmée par les guerres incessantes entre les différents clans seigneuriaux. Les Samouraïs suivaient un entraînement extrêmement rigoureux visant à leur faire atteindre la perfection dans leur art.

Un samouraï n'ayant pas de rattachement à un clan ou à un daimyō (seigneur féodal) était appelé un rōnin. Un samouraï qui était un vassal direct du shogun était appelé hatamoto.

Cependant, tous les soldats n'étaient pas samouraïs, ceux-ci constituant une élite équivalente en quelque sorte aux chevaliers européens ; l'armée, à partir de la période Kamakura (période s’étendant de 1185 à 1333), reposait sur de larges troupes de fantassins de base nommés ashigaru et recrutés principalement parmi les paysans.



Le fameux samourai Miyamoto Musashi
Fondateur de la Niten Ichi Ryu, image Wikipédia

Les premières illustrations de techniques guerrières datent de cette époque et comme les moyens de transport et communications étaient moins développés ; chaque région ou même village possédait sa propre école de combat. D'où le foisonnement de style et d'écoles de guerre. Chaque école appelé « Ryu[2] », était dirigée par un maître[3] accompli dans l’un des nombreux Jutsu existants (combats à mains nues, escrime, archerie, etc.), qui était héritier de tous les secrets des techniques propres au Ryu[4]


Contrairement à notre époque où les arts martiaux à mains nues sont les plus pratiqués, l’époque médiévale japonaise est caractérisée par les arts de guerre armés : sabre court et long, lance, hallebarde, arc, bâton, etc. Le but est pour certains de devenir expert d’une arme (archers par ex.) et pour d’autres de très bons « généralistes » excellant dans le maniement de plusieurs armes. Cependant on peut dire que les Samouraïs apprenaient en général le Kenjutsu, le Jujutsu, le Bajutsu et le Kyujutsu respectivement art du sabre, lutte, art équestre, tir à l'arc.

A cette époque, le combat à mains nues est l’ultime recours, utilisé dans le cas où le combattant est désarmé. Tous les Ryu avaient leur spécificité mais cherchaient avant tout une efficacité pratique : par exemple comme le confirmait Maître Ōtake Risuke Minamoto no Takeyuki, titulaire actuel du titre de Shihan (Maître instructeur) de la Tenshin Shōden Katori Shintō-ryū[5] : son école ne possède que 36 techniques à main nues qui correspondent à toutes les possibilités effectives d'attaques en armure sur un champ de bataille. Ce n’est qu’au début de leurs Meiji, que le combat sans arme devint majoritaire.

Dès l’avènement de l’ère Meiji (vers 1898), la structure sociale changea brusquement : cette période représente la fin de la politique d'isolement volontaire appelée Sakoku[6] et le début de politique de modernisation du Japon.

Une des principales mesures politiques a été l’abolition de la classe guerrière des samouraïs. Beaucoup d’entre eux choisirent de se reconvertir dans les affaires ou la politique. Du jour au lendemain, les techniques de guerre devinrent inutiles dans un pays fonctionnant comme une monarchie constitutionnelle. Alors que la classe guerrière avait dirigé le Japon féodal durant près de 700 ans, elle devait sans délai s’adapter à un régime de paix, elle qui était conçue pour des temps de guerre.

D’un « savoir-faire » utile pour défendre les terres du clan et en conquérir d’autres, ces « Jutsu » devinrent désuets.



De la technique à la Voie


Cependant, profondément imprégnés et indissociables de la  spiritualité japonaise (Bouddhisme et Shintoïsme) ainsi que des cultures comme celles de l’Inde et la Chine dans lesquelles le Japon a puisé, les Bujutsu évoluèrent en Budo. Ces techniques qui furent vitales à la survie du clan, devinrent dès 1898 des moyens permettant à l’homme de s’unir à son essence, à son Soi.

Dans les Bujutsu, la maîtrise technique était une fin en soi ; alors que dans les Budo la quête de la maîtrise technique permet de discipliner et de projeter toutes les émotions et les pensées afin de réaliser un but : cela développe l’alignement des trois corps, corps-âme-esprit.



Le Bushido : la Voie du Samouraï


Tout comme la guerre évolue selon des lois précises (dont la stratégie), le Samouraï suit à l’époque un code de l’honneur, la Voie du Guerrier ou Bushido[7] et valorise des valeurs telles que :
1.      Gi : la décision juste
2.      Yu : la bravoure, le courage
3.      Jin : la bienveillance
4.      Rei : le comportement juste
5.      Makoto : la sincérité
6.      Meiyo : l’honneur
7.      Chugi : la loyauté

De plus, des sentiments comme la fidélité au maître (et donc forcément à l’Empereur divinisé), le mépris de la douleur et le rite du seppuku furent portés à leur paroxysme.

Autant leur éducation visait à dominer leurs réactions instinctives dont la peur et la lâcheté qu’ils méprisaient, ce qui les rendaient extrêmement efficaces sur le champ de bataille ; autant ils cultivaient les arts tels l’écriture, la calligraphie et la philosophie dans le privé. A l’image du fameux Miyamoto Musashi connut tout autant pour ces 60 duels victorieux, que ses écrits et ses estampes.


Le Voie ou le Do


La voie est le chemin qui conduit l’Homme sur la route de l’évolution.
La Voie débute par des principes comportementaux. C’est-à-dire que l’Homme cherche à respecter une étiquette de conduite qui exclue tous les débordements. En cherchant à se poser un cadre sévère, il recherche à mener une existence disciplinée qui peut ensuite évoluée en une « vie sainte ». En pacifiant sa nature instinctive et en la maîtrisant peu à peu, il se détache de sa nature passionnelle.

A ce stade, l’être humain s’aperçoit que la Voie est au milieu de ce monde composé d’opposés : jour-nuit, homme-femme, ciel-terre, force-faiblesse. Il entrevoit que sa vraie nature est au-delà du Tao, de la nature binaire. Il prend conscience que ce qu’il EST se manifeste par l’intermédiaire du Deux, l’opposition. Il comprend que son mental et son corps ne sont que les deux véhicules de quelque chose de plus profond : l’Âme.

En s’affranchissant de sa nature hormonale, il prend la mesure de sa personnalité, son Moi. Malheureusement, ce faisant, il tombe nez-à-nez avec un ennemi tenace : son propre ego. Cette composante qui lui fut essentielle en tant qu’enfant afin qu’il prenne conscience de sa propre individualité (ce qui lui permet de se séparer de sa mère entre autres), génère aussi le sentiment de séparation du Tout (principe Unique) : générant la peur de la mort et l’angoisse de l’abandon chez l’être humain.

Cet ego qui s’aime lui-même et qui pense tout le temps à lui afin de se mettre en valeur (mettre en scène) peut être dissolu par les sentiments désintéressés et altruistes : l’étiquette devient un outil d’évolution et non plus simplement une possibilité de comportement social.

L’ego ne supporte pas le silence intérieur et entretient un dialogue constant. C’est lui qui génère le combat intérieur incessant de l’ange et du démon.

L’ego habite la moitié de l’Homme : sa personnalité. Celle-ci (Yin) s’oppose à l’Âme (Yang) sans même en être consciente et perçoit le monde au travers d’un voile d’illusions.

Le Budo n’est pas une religion[8] mais s’y apparente dans le sens où il cherche à relier le moi au Soi ; l’homme à son essence divine, la personnalité à l’âme.

Le but ultime est que la personnalité serve de véhicule d’expression de l’Âme : le vrai sens du service est celui-là. Le vrai sacrifice représente la renonciation volontaire aux plaisirs charnels afin de privilégier l’avènement du spirituel.



Au-delà du Tao


Le Principe Deux est le support à toute manifestation de vie dans l'Univers Créé. Tout être vivant, toute chose, toute matière hérite de la vie, via deux principes de polarité inverse mais de nature identique.

Le Principe Deux se manifeste par l'alternance cyclique :
1.      La vie engendre la mort. Pour l'individu, mais aussi toute ses créations dans le monde physique: objets, structure sociales, religieuses ou politiques.
2.      la pensée à double polarité (émotionnelle-rationnelle) du cerveau bicéphale.
3.      Tous les cycles organiques internes.
4.      L'effet boomerang, l'action-réaction de la science.
5.      Les deux aspects ou facettes des êtres vivants, choses, ou matières.
6.      La Triple opposition du corps physique :
1.      gauche-droite
2.      haut-bas
3.      postérieur-antérieur
7.      Les douze Méridiens Tendino-musculaires à double polarité (six méridiens Yin, six méridiens Yang). Ces douze étant opposables à douze Méridiens Profonds. Antennes externes des Cinq Éléments.
8.      Les Cinq Éléments Yin et les Cinq Éléments Yang, représentant numériquement l'archétype de l'Homme Initié parvenu au Mariage Intérieur: chiffre 10 formé du 1, symbole du Principe Masculin et du 0, symbole du Principe Féminin, lesquels sont mis en action par les doux mouvements des cycles Chenn et Ko.
9.      etc...

Le Principe Deux enferme en lui un potentiel énorme de création, à certaines conditions. A savoir que tout comme le Principe Un, l'harmonie entre les deux polarités génère la vie et l'entretien par le mouvement. Dans le contexte binaire, la fluctuabilité de qualité et de la quantité des Énergies polarisées est signe de la Vie en Marche.

Bien entendu la disharmonie détruit peu à peu la manifestation qui provient de la double opposition. Tout comme l'enfant souffre du conflit parental, nous souffrons de pathologies typiques lorsqu’un déséquilibre s'installe au niveau Yin-Yang. Les résoudre, c’est établir le dialogue avec l’autre.

L'acceptation des cycles de la vie n'est parfois pas facile mais elle représente la sagesse, « live and let live; live and let die » disait Sir McCartney dans une chanson. Par exemple, la mort est parfois inacceptable, mais celui qui l'a déjà vécu sait qu'accepter la mort c'est accepter la vie, accepter de continuer de vivre malgré la séparation physique d'un corps auprès duquel nous aimions être.

Accepter ce principe stimule merveilleusement notre adaptabilité. Lorsque nous acceptons les rythmes cycliques de la vie nous poussant d'un extrême à l'autre, nous renforçons notre centre. En évitant la rigidité (qu'elle soit mentale, affective ou physiologique d'ailleurs) nous évitons de rester gelé, comme sur le quai de la gare regardant le train de la vie s'éloigner. Cesser la résistance et accepter pleinement que la Vie nous veut du bien, qu'elle peut nous apprendre quelque chose tous les jours, permet sûrement de se sentir mieux, d'être au sommet de la vague lorsque celle-ci prend son essor plutôt que dans son creux.

Après une longue pratique méditative, la personne découvre sa respiration cyclique un peu comme le flux et le reflux de l’océan sur la plage. Tout comme les tempêtes atmosphériques agitent la mer, les tempêtes émotionnelles troublent l’être humain. Lorsque le pratiquant parvient à maintenir le calme et la sérénité, sa respiration et ses émotions s’estompent. Cela permet à celui qui a l’œil de voir au-delà du cycle habituel des incarnations voir d’en sortir…

Lorsqu’un pont est créé entre le soi et le moi, un troisième état transcende l’illusion enfin reconnue du Yin-Yang. Cet état est nommé « Buddhi » par les Bouddhiste et correspond symboliquement à l’ouverture du troisième œil.



Le vide ou le silence intérieur


Le vide est dans l’univers la principale composante en volume…comme dans l’Homme. Dans chaque atome il y a plus de vide que de matière. Aussi pragmatique que l’Homme veut être, il ne peut nier ce fait à priori étrange.

Le vide est le support sur quoi toute matière s’appuie pour se matérialiser. Le vide est là avant, pendant et après la matière. Que l’on parle de Dieu ou d’Esprit Unique, il « habite » le vide. Dans le Vide il y a le bien, le potentiel latent en attente.

Dans l’Homme, le Vide peut s’appréhender à partir du moment où le silence intérieur est atteint. Lorsque par la méditation, les vagues des émotions et les pensées fugaces s’estompent. Après un long travail assidu, le méditant atteint le silence intérieur et peut appréhender le vide.

Le contrôle des pulsions hormonales (besoins sexuels, alimentaires, etc.) et des émotions (peur, colère, angoisse, etc.) est appelé « mizu no Kokoro » (« avoir un esprit aussi clair et aussi calme que l’eau »). Comme le proverbe le dit « si tu veux observer la lune dans l’eau, il vaut mieux que la mer soit calme ». Le contrôle de toutes nos pulsions hormonales et comportementales ouvre la porte au travail spirituel et surtout conduit à la paix.



Mushin no Shin : « l’esprit sans esprit »


« Mushin no Shin » est un état d’esprit : traditionnellement les Maîtres l’appellent le « vrai esprit » en opposition à l’esprit « encombré », qui est la norme pour la plupart d’entre nous.

« Mushin no Shin » ne signifie pas devenir idiot ! Ce concept est très difficile à expliquer voilà pourquoi on le décrit via des petites phrases pleines de symbolisme comme par exemple :

Le Tao ne fait rien
Mais il n’y a rien que Tao de fait pas

Quel est le bruit d'une seule main qui applaudit

Une journée, une vie

Lorsqu'il n'y a plus rien à faire, que faites-vous ?

Ce genre de phrase paradoxales, souvent utilisé dans le Bouddhisme Zen (les Koan), permettent d’appréhender des concepts inaccessibles autrement. Ce type d’enseignement est une méthode historiquement utilisée par tous les grands philosophes. Sans un travail préalable (méditation, travail sur les plan astral et mental), ces phrases ont de quoi déstabiliser n’importe qui. Par contre pour un esprit préparé, elles ont un pouvoir énorme de remise en question positive. Les mystiques et les soufis, par exemple, travaillent avec le même type de symbolisme paradoxal pour résoudre l’énigme que pose de l’esprit humain.

La particule « Mu » signifie le Vide (l’élément), dans le sens de la Quintessence (5 essences réunies en une) et non vide dans le sens « absence ». « Shin » veut dire Esprit. Donc « Mushin no Shin » est un état d’esprit supérieur à celui qui consiste à celui de l’humain lambda dont l’esprit part dans tous les sens dans une situation de stress. « Mushin no Shin » signifie garder son calme et Être pleinement sans se perdre dans le Faire ou le Paraître.

En combat, « Mushin no Shin » signifie devenir son adversaire et non le combattre. Être calme sans pour autant être mou, être vigilant sans perdre son détachement.

Penser à la non-réflexion, c’est déjà penser
Il faut plutôt ne pas penser à la non-réflexion du tout
Poème japonais




La non-violence


Le Principe Suprême du combat est la paix

Bien que cela semble un paradoxe pour le néophyte, le Budoka poursuit un seul but : la Paix.

Lorsqu’un individu éprouve de la haine, il est susceptible d’être violent avec ses congénères. De même lorsqu’une nation éprouve de la haine à l’encontre d’une autre, le risque de guerre est au paroxysme.

Comme nous l’avons vu plus haut, la haine est un sentiment instinctif relevant du sentiment d’agression et du besoin de se défendre. En parvenant à maîtriser ses émotions, le pratiquant ne fait pas que de diminuer la haine, il la transcende.

La haine et la violence ont un effet séparatif et génèrent donc une énergie répulsive. Mais c’est surtout des forces qui s’opposent l’une à l’autre, valorisées par les Bujutsu, elles ont une conséquence destructrice.

La non-violence n’est pas dans ce contexte une éthique particulière, mais l’action de se mettre en harmonie avec les forces de l’Univers. C’est la capacité de s’adapter à notre environnement tant climatique que social, tout comme l’eau s’adapte au verre sans perdre sa nature. La non-violence est un comportement qui permet de s’adapter, en évitant tout conflit, à toute énergie, tout acte, toute émotion, toute pensée. Ce qui ne veut pas dire que la non-violence soit une justification à la lâcheté et l’atonie.

Alors que le Bujutsu valorise la violence cruelle, implacable et le rejet de l’inconnu, le Budo donne le pouvoir de transcender cela en force d’amour et apprentissage afin d’acquérir de la connaissance.

Par un travail intérieur sincère, l’être humain évolue de la haine vers la perception de l’amour universel, qui conduit à l’unité intérieur et précède au travail final



La non-résistance


Lorsqu’une attaque se produit, une énergie violente et destructrice est mise en mouvement. Si l’attaqué s’en défend par la violence, sa propre énergie négative vient s’ajouter à celle de l’attaquant. Le résultat est une énergie négative énorme est dégagée et les deux protagonistes dans ce cas en subissent à long terme les conséquences (Karma).
La haine est contraire aux Lois de la Nature car elle a un effet séparatif. Elle sépare extérieurement les Hommes cependant on oublie souvent qu’elle produit le même effet intérieurement. L’être humain est composé de comme nous l’avons vu de Yin et de Yang, de deux pôles magnétiques, négatif et positif. La Voie du Budo est d’aller au-delà du Tao, de le transcender. Pour le faire, il semble logique que la condition préalable soit d’entretenir et de purifier nos aspects féminins (Yin) et masculin (Yang) puis de parvenir à un mariage intérieur ou fusionnement des deux énergies en une.

Pour respecter les lois universelles, aucune force ne peut être détruite en tant que telle, mais acceptée pour ce qu’elle est et transformée[9] sans qu’elle ne soit stoppée. Pour reprendre l’exemple de l’attaque, le pratiquant de Budo cherchera, au lieu de la bloquer à « faire tourner » autour de lui cette énergie négative (évitant ainsi d’être touché « en plein cœur ») pour la renvoyer après l’avoir purifiée par ses sentiments (notion de « Kokoro », de cœur emplie de bonté et de compassion, qualités valorisées par le Bouddhisme).

Voilà la notion de non-résistance : savoir plier, s’adapter à l’attaque comme l’eau s’adapte à son contenant, puis agir sur la qualité de l’énergie afin de transformer le destructif en constructif, puis la rendre à son expéditeur sans haine mais, paradoxalement pour un néophyte, avec bonté et compassion. Cette façon de faire ressemble à ce qui se produit lorsque nous aidons un ami que nous aimons qui traverse une mauvaise passe. S’il, de par sa souffrance il nous attaque verbalement, nous ne lui tenons pas rigueur de cela et au contraire lui faisons prendre conscience que nous voyons qu’il souffre et l’encourageons à se prendre en charge.

La non-résistance apparait souvent au débutant comme une théorie de lâches et de faibles. Pourtant il est facilement compréhensible pour celui que se donne la peine de réfléchir que contrer la destruction par la destruction amène…encore plus de destruction. Contre-attaquer avec violence c’est de la vengeance et devenir vengeur c’est devenir son agresseur. Bien qu’il faille s’armer de courage et de foi s’opposer à la violence par l’intelligence et l’amour permet d’inverser le cours des choses et de participer à la Paix.

La non-résistance permet surtout de ne pas aggraver la dette karmique. En sortant de la violence et en permettant même de participer à sa transformation, nous améliorons notre sort individuel et collectif.



L’esprit de groupe


L’Homme a compris dans son Histoire qu’il devenait plus fort en vivant en communauté dont les cloisons sont tombées au fur et à mesure de son évolution pour avoir à l’heure actuelle, plus que jamais la perception de l’humanité comme étant un seul groupe.

Lorsque le travail spirituel débute, il arrive souvent que l’individu le fasse dans le recueillement procuré par la solitude. Puis peu à peu, il prend conscience de son unité intérieur (laquelle est de nature triple : corps-âme-esprit) et ouvre les yeux (ou devrais-je dire l’œil…) sur le « Un Cosmique », l’Univers. Plus il médite plus il prend conscience que ce qu’il appelle les lois de la nature, universelles, forment UN TOUT cohérent issu d’un Principe Unique. Il prend conscience du lien qui relie TOUT CE QUI EST dans l’Univers et que tout cela évolue logiquement en suivant un plan, un projet ; le plus grand qui soit.

En pleine possession de son libre-arbitre et s’étant harmonisé tant intérieurement qu’extérieurement, il participe alors au plan en pleine conscience.

L’Homme est un peu comme un atome qui prenait conscience de lui-même puis peu-à-peu prenant conscience du tout : le corps. Bien qu’il ne perde pas sa propre conscience individuelle, il participe alors au fonctionnement global du corps semblable à l’échelle microcosmique au plan universel.



Le Budo et le sport de combat


La différence entre les Budo et les sports de combat est évidente mais importante à préciser à notre époque.

Les Budo ont pour but d’amener l’Homme à entrer en contact avec sa nature spirituelle profonde : le Soi.

Les sports de combat ont pour but de préparer le pratiquant au combat codifié sur ring ou sur tatami. Les sports de combats sont : la boxe anglaise, thaïlandaise, française, américaine ; de même que le judo et le karaté de compétition entre autres.
Les compétiteurs qui les pratiquent sont de sportifs de haut niveau et recherche l’amélioration de leur performance physique. Ils sont admirables dans l’abnégation qu’ils mettent à s’entrainer très durement durant de longues années pour quelques minutes de combat.
Certains se plaisent à critiquer les combats d’ « arts martiaux mixtes » (MMA en anglais), « championnat de combat ultime » (UFC en anglais). Bien que ces rudes combats heurtent la sensibilité de personnes néophytes, ils représentent néanmoins, une interprétation crédible de ce qu’un combat entre deux hommes peut être à la limite du danger létal. Deux hommes qui consentent à combattre en connaissant les règles et en s’entrainant durement ont-ils le droit de le faire ? Je vous laisse libre de décider, disons qu’ils ne font sûrement pas pire durant une vie de combat qu’une seule seconde de guerre sur terre…



Voie du guerrier


Dans le monde moderne nous n’avons plus à vivre dans une société formée de clans ou de nations constamment en guerre. Malgré tout le travail qui reste à réaliser, l’humanité a évolué vers le pacifisme et la démocratie.

Les différentes stigmatisations qui s’appuyaient sur les races, les sexes, les cultures et les religions s’estompent à mesure que la scolarisation, l’exogamie[10] et les échanges culturels apparaissent. Bien que cela ne soit pas parfait, il est indéniable que l’homme et l’humanité entière se pacifient.

Alors qu’avant l’ennemi se trouvait à l’extérieur, la guerre moderne que mène le Budoka est une lutte bien réelle mais intérieure et qui vise à transcender sa nature instinctive hormonale négative en principes supérieurs. Cette guerre contre la médiocrité, la suffisance et tous les comportements négatifs est la seule vraie guerre sainte qui vaille la peine d’être menée.

Dans une première étape, nous vivons fréquemment tenté par nos :
·         Sept démons (ou sept péchés capitaux) sont la luxure (abus des plaisirs sexuels), l’avarice, l’envie, l’orgueil, la paresse, la gourmandise et la colère.

Puis nous évoluons vers :

  • sept vertus confucéennes du Bushido : Droiture, Courage, Bienveillance, Politesse, Sincérité, Honneur, Loyauté. Vertus qui sont symboliquement nos sept anges.

Lorsque les conflits de l’ange et du démon cessent le silence se fait, laissant ainsi la place au Vide.



La purification


Toute recherche de la voie qui conduit à la découverte du Soi, débute par une purification des quatre corps inférieurs.

Corps mental
Travail sur la qualité des pensées
Corps astral
Travail sur la qualité des sentiments et émotions
Corps éthérique (énergétique)
Travail sur le Ki (énergie vitale) et travail sur le Hara (l’ « océan d’énergie), le centre de gravité.
Corps physique
Alimentation saine, développement harmonieux du corps, sommeil de qualité




Vaincre la mort


Mais qu’est-ce que la mort ? Alors que l’occidental se considère comme une âme à l’intérieur d’un corps, l’oriental grandit dans une culture qui considère qu’il est une âme qui s’incarne périodiquement sur terre.

La peur de la mort (voir l’article à ce sujet sur mon blog) est la peur-racine de l’être humain. Cette peur génère chez l’homme lambda, les pulsions de vie instinctives : parce qu’il a consciemment envie de vivre, il respire, s’alimente et se reproduit ; car inconsciemment il fuit sa peur du chaos. Tous les concepts religieux ont pour fonction de nous sortir de la peur du néant spirituel; alors que la science nous explique le fonctionnement « mécanique » de notre univers physique.

Par la loi du Tao, tout ce qui nait, meurt un jour. La vie est naturellement suivie de la mort : l’une et l’autre se génère mutuellement. Cela est vrai mais uniquement dans certains plans de conscience (4 plans inférieurs).

L’ego, durant l’enfance et l’adolescence nous fait prendre conscience de notre individualité. De ce fait, la peur de la mort est encore accentuée par le sentiment négatif que la mort correspond à la dissolution de l’individu dans le néant. Cette illusion est, par le travail intérieur, transcendée et laisse la place à la vérité de la connaissance du Soi qui peut alors rejoindre le monde spirituel sans perdre la Soi-conscience.

Tant que l’ego apeuré par la mort et qui ne supporte pas la non-existence, gouverne la personnalité, la mort est la cause de peur.

Ne plus avoir peur de la mort correspond au travail intérieur d’admettre l’aspect illusoire de la vie et de la mort, afin de démontrer que seule la vie existe ou plus exactement la vie de l’esprit. Lorsque l’Homme parvient à s’identifier totalement à l’Esprit et non à son corps, il sort du cycle des incarnations.

Tout comme l’âme et le Ki (le souffle) pénètrent et animent l’enveloppe corporelle dans le sein de la mère, elles le quittent à la mort. L’enveloppe charnelle se désintègre et retourne à la Terre (qui « recycle » les atomes physiques dans un processus qui débuta au Big Bang). L’âme s’en retourne alors dans le monde dont elle provient et attend de retourner dans une enveloppe terrestre afin de poursuivre dans l’université « Terre » son évolution sur la route de la quête du Soi.

Cela explique pourquoi et dans quel but les samouraïs s’identifiaient à l’objet de leur idéal : afin de transcender les sentiments du moi et transcender leur peur, ce qui leur permettait de s’affranchir de leur individualité donc de la peur de la mort.

Nous avons aujourd’hui la possibilité d’utiliser certains de leurs outils comme l’entraînement, la discipline, le travail personnel et la méditation afin de connaitre la nature immortelle du Soi divin. Nous sommes cependant dans le devoir de servir la paix si nous suivons dans le présent le code éthique du Bushido.



Déplacement de la conscience


Comme nous l’avons vu l’Homme est composé d’une nature inférieure, la personnalité ou le Moi  et d’une nature supérieure, l’Âme ou le Soi. Le but du Budo est de construire une route entre ces deux mondes afin que l’être humain prenne conscience de sa vraie nature.

La purification des corps inférieurs représente la première étape. Et ce n’est pas la plus simple : l’acte de purifier son corps, son cœur et son esprit se réalise par une attention constante et maintenue des années durant avant que le premier résultat tangible puisse se mesurer.

Après avoir purifié l’Homme instinctif et avant d’appréhender l’Homme spirituel, un long chemin débute sur lequel l’être humain doit volontairement renoncer à la Matière pour se tourner vers l’Esprit. Cette étape a largement été abordée par les religions et les philosophies, mais a souvent  été très mal comprise. Renoncer à la Matière n’a rien à voir avec le rejet du corps physique ou des mortifications (ou l’adoration de celles-ci). Elle représente le mouvement volontaire et consenti de la conscience de la Matière à l’Esprit : tant que l’Homme s’identifie à son corps physique, il vit dans le cycle des incarnations, lorsqu’il reconnait sa vraie essence, son âme, il commence à aborder la vraie notion de l’immortalité.

Lorsque l’Homme prend conscience de son âme et lui redonne sa juste place, sa personnalité peut mettre au service de son âme. Il devient alors la manifestation individuelle de l’harmonie de l’Univers. Il respecte ses lois et les vit. Il devient un saint homme, un homme de paix.



Hommage


Certains grands maîtres japonais, dont les capacités ne se limitaient pas à une adresse hors normes dans le domaine martial, mais qui étaient des êtres dont l’abnégation et l’humilité ont permis de transmettre à la masse des moyens de réalisation. De techniques guerrières ils ont su durant et après l’ère Meiji, transmuter des arts guerriers réservés à des clans en voie d’accomplissement accessible à tous les Hommes de bonne volonté.

Maître Jigoro Kano fondateur du Judo, Me Morihei Ueshiba pour l’Aïkido et Me Funakoshi Gishin pour le Karatédo[11] font partie de ceux-là. Nés dans une période troublée de l’histoire du Japon, ils ont transmis des arts dont chacun pourra apprécier la pureté.

D’autre avant eux ont ouvert la route : Miyamoto Musashi, samouraï de légende fondateur de la Niten Ichi Ryu ; Iizasa Chōisai Ienao, fondateur de la Tenshin Shoden Katori Shintō Ryu ; Shingen Takeda un des principaux daimyo (seigneur féodal) ayant combattu pour le contrôle du Japon durant la période Sengoku et bien d’autres encore.



                                                                                     Jean-Christian Balmat





[1] Bushi (武士) est un terme d'origine chinoise signifiant littéralement « guerrier gentilhomme » en japonais.

Le terme apparait pour la première fois dans le livre d'histoire japonaise, Shoku Nihongi (続日本記) écrit sous l'ère Heian vers l'an 800.

Bushi et samouraï sont souvent confondus mais ils correspondent à des périodes et des fonctions différentes. À l'origine, bushi est le seul nom pour désigner les guerriers japonais.
Au XVIIe siècle, au début de la période Edo, les shoguns Tokugawa créent une hiérarchie sociale à quatre échelons surnommée « système shi-no-ko-sho » :

·         la noblesse guerrière (, shi = gentilhomme regroupé au sein de 武家, buke, littéralement « maison des guerriers »),
·         les paysans (, nô),
·         les artisans (, kô),
·         et les commerçants (, shô).

Les bushi les plus riches sont nommés daimyō. Ils sont entourés d'une troupe de guerriers serviteurs reconnaissables au fait qu'ils portent deux sabres (daisho). Ces guerriers serviteurs accompagnaient les daimyo lors des résidences alternées obligatoires (sankin-kotai) à la cour du shogun.

Le mot Samouraï provient du verbe sabouraü qui signifie « servir » ou « rester à côté de », lorsqu'il s'agit d'une personne importante. Le substantif du verbe sabouraü» est sabouraï qui est devenu « samouraï » vers le XVIe siècle. Depuis cette époque, le terme « samouraï » est utilisé pour nommer les différents types de guerriers appliquant le code bushido.

Le bushi se distingue donc du samouraï par son appartenance à la classe supérieure des guerriers. Note extraite de Wikipédia
[2] Les anciens Ryu toujours actif à l’heure actuelle se nomment les « Koryu ».
[3] A l’intérieur des Dojo, une hiérarchie stricte était respectée :
Daeshi
Exotérique
Disciple pratiquant
Renshi
Exotérique
Excellence Technique, assistant
Kyoshi
Mésotérique
Perception et adaptation par rapport aux faiblesses mentales de l’adversaire, instructeur
Hanshi
Ésotérique
Maîtrise technique et de l’aspect psycho-affectif de sa personnalité, Maître d’armes
Shihan
Ésotérique
« Grand Maître »
Okuden
Ésotérique
Enseignements ésotériques
Menkyo Kaiden

Maîtrise de tout l’enseignement ésotérique

[4] L’ensemble de ces techniques étaient consignées en rouleaux appelé Makimonos, conservés dans un temple shintoïste et honorés au cours de cérémonie durant lesquelles des démonstrations de la technique avaient lieu.
[5] R. Otake, Le sabre et le divin. Héritage spirituel de la Tenshin Shoden Katori Shinto Ryu, Paris, Budo Editions, 2002
[6] Avant l'ère Meiji, le Japon était un pays fermé. Entrer ou revenir dans l'archipel, sans autorisation expresse, était puni de mort immédiate, ceci était valable autant pour les Japonais que pour tout étranger. Cet état de chose appelé « Sakoku » a donné au Japon 250 ans de paix intérieure. Cela a permis d’affiner et de perfectionner les arts, mais aussi, tout doucement, à les scléroser. Note extraite de Wikipédia
[7] A ce sujet je vous suggère le livre « Bushido, l’âme du Japon » d’Inazo Nitobe.
[8] L’étymologie du terme religion est le terme latin « religare » qui signifie « relier ».
[9] Tout comme l’Homme transforme du Prana, des aliments, des pensées et des émotions en énergie qu’il utilise à chaque instant.
[10] L’exogamie est le fait de construire un foyer avec un conjoint issu d’un autre clan que celui dont on provient. Elle s’oppose à l’endogamie qui est le fait de constituer une famille avec une personne issue de notre clan.
[11] Je parle dans ce contexte des arts originaux et non les sports qu’ils sont devenus en majorité.

vendredi 6 mai 2011

Ninpo Nin-Jutsu / Les pratiques secrètes et spirituelles: Article 3

Le Kuji-Kiri




Le Kuji-Kiri est un rite d’exorcisme afin de chasser les mauvaises forces (négatives). Il consiste à tracer « dans le vide » une grille en suivant scrupuleusement l’ordre ci-dessus et en poussant un Kiaï à la fin au milieu de celle-ci.

Mémoriser les neuf noms parfaitement et rendez-vous dans un endroit si possible à l’aube ou au crépuscule, purifiez-le éventuellement avec de l’encens. Munissez-vous d’un toko-sho, vajra à une branche ou utilisez l’index et le majeur et tracez la grille en visualisant chaque détail en étant totalement concentré.

Cet exercice augmente proportionnellement en efficacité à mesure que vous gagnez en pouvoir de concentration.



                                                                                     Jean-Christian Balmat