Certaines actions de nos congénères nous font
l'effet d'avoir le pouvoir de nous détruire intérieurement. La plupart des
pratiquants d'arts martiaux sont venus à cette pratique pour apprendre à se
défendre ! C'est cela que j'entends par « poison ».
Tout comme nous développons des enzymes
digestives pour métaboliser les aliments solides et liquides, nous pouvons
faire consciemment l'effort de digestion au niveau psychoaffectif, afin de
tolérer aujourd'hui ce qui, hier encore, était intolérable. Tout comme
l'harmonie est l'équilibre entre deux extrêmes, le fait de parvenir à
développer un antipoison correspond au maintien de l'équilibre interne : en
quelque sorte l'homéostasie[ii]
au niveau des émotions et des pensées. L'adaptation au milieu ambiant avec la
même efficacité que notre corps réalise tout au long de l'année, se mettant au
diapason de la saison. Tout comme le climat atmosphérique stimule le corps
physique et finalement le renforce, le climat psychique dans lequel nous baignons
dans notre famille, notre travail, en société nous pousse à nous adapter ou...
nous écrouler.
Tout comme l'arbrisseau qui rêve de devenir le
grand chêne, maître de la forêt, se ravise après la tempête, voyant son roi
abattu, et tourne ses yeux vers le frêle bambou qui lui déjà s'est redressé,
droit et fier de l'être.
Fier d'être droit devant son vrai roi, le
soleil, qui réapparaît toujours à la suite de la tempête, aussi longue soit-elle,
l’arbrisseau comprend que la droiture elle-même doit plier devant la force
brute de la tempête qui ne laisse que les souples en vie, balayant les rigides
qui souvent étaient ceux qui apparaissaient forts.
Pour nous les Humains, la rigidité mentale se
« traduit » dans le corps par des muscles bandés au mieux et
tétanisés au pire. Or, tout Humain logique comprendra qu'un muscle, pour
pouvoir se contracter au maximum de son potentiel, doit au préalable être
totalement détendu.
La crispation correspond archétypalement
évidemment à notre nature animale prête à bondir dans une fuite éperdue.
Le sentiment « peur » dans la
tête est la crispation dans le corps. Or la peur est
permise tant que l'ignorance est présente. La connaissance est l'antidote de la
peur. Lutter contre le poison qu'est la peur, c'est apprendre à reconnaître et
à connaître tous nos ennemis sans nous voiler la face. Oser apprendre d'eux,
c'est oser regarder ses faiblesses, car comment croyez-vous qu'ils puissent
avoir un effet négatif sur vous ? En « entrant » dans les zones
faibles de vos corps. Que cela soit au niveau physiologique, énergétique,
sentimental ou mental, longtemps lors de son évolution, l’humain vit en tentant
d'élever sa tête hors de l'eau en affaiblissant les autres. Puis, il se rend
compte qu'il peut se renforcer lui, laisser les autres tranquilles et devenir
invisible...
Pour un pratiquant d'art martial, les vrais
ennemis sont intérieurs :
·
le doute empêche la décision qui
est le moteur de tout mouvement. Il attaque le Métal.
·
la peur inhibe tout le courage, la
capacité à mettre en œuvre notre décision. Elle attaque l'Eau.
·
la colère révèle le déséquilibre
entre l'individu, l'interne et le monde, l'externe. La colère est la plus
grande consommatrice d'énergie dans les sentiments humains ! Elle attaque le
Bois.
·
L'incohérence interne, la
partition, la séparation interne empêchent la synthèse interne essentielle à la
production du sang. Elle affaiblit le Feu.
·
La séparation des composants
binaires internes, Yin et Yang, aspect féminin et masculin, faible et fort,
mère et père, etc. Elle attaque la Terre qui doit assurer le lien entre les deux
polarités opposées.
Pour mieux comprendre, imaginez en lieu et
place de la psyché, un maître-chien, et à celle du corps le chien, l'affect
étant le lien qui les relie. Le maître-chien peut obtenir par la peur ce qu'il
veut, ou alors par le plaisir, la récompense. L'animal, lui, établit un rapport
souvent de dépendance liée à la nourriture puis à l'affection prodiguée par son
maître. Sans le maître, il redevient sauvage et doit s'exposer à une vie plus
rude. Par contre, s'il a un bon maître, il développera des capacités jusqu'à
parvenir à remplacer son maître, à l'image du chien d'aveugle. À l’inverse, si
le maître est violent, le chien se révoltera tôt ou tard, par peur de la mort,
et s'enfuira.
Notre corps est identique au chien domestique :
il est dépendant du psychisme. A-t-on déjà vu un homme sans tête... à part dans
les films ?[iii]
Sérieusement, il est évident que le cerveau doit envoyer des ordres au corps. Sans
ordre, le corps se fige. Tout comme le chien sans ordre reste immobile, le
corps sans la tête ne sait pas quoi faire. Le corps a besoin de nourriture
psychique pour savoir quoi et comment faire ; de même que l'affect lui commande
d'avancer vers le plaisir et de reculer en face du danger. A-t-on déjà vu un
Humain sans cœur ? ....[iv]
Cela équivaut dans une première étape à
conscientiser toutes les émotions, les sentiments et pensées exogènes[v] qui nous ont placés sur la
défensive, dans la position de l’Humain sans tête ou sans cœur.
Dur pour l'ego de reconnaître que nous nous
soyons retrouvés parfois sans réponse au cours de notre histoire[vi]. Mais il nous appartient
de construire notre futur, de nous redresser tel le roseau, en décidant de
changer, de sortir du problème et d'entrer dans la solution, en acceptant
d'enfin digérer tout ce qui nous est resté en travers de la gorge. Une fois
la « digestion psychique » terminée, nous gardons un bien
précieux : la mémoire.
Mais il n'est jamais trop tard pour
résoudre un problème. Nous sommes assis sur notre passé, pour autant que
l'on puisse s'y appuyer en toute confiance. Oser revenir sur nos échecs afin de
vaincre et de dépasser ce qui constitua un temps une limite infranchissable est
une chose magnifique ! Le vaincre avec la tête et avec le cœur en osant la prise
de risque est possible grâce à une foi renouvelée.
Jean-Christian Balmat
[i] Extrait du livre « L’Essence
du Ninpo Nin-Jutsu ou le Principe d’Invisibilité, Tome 2 » disponible sur
Amazon.com
[ii] Ensemble des
fonctions internes adaptatrices, qui maintiennent l'équilibre interne du corps
par rapport aux changements extérieurs
[iii] Note : si vous en
voyez un, FUYEZ!!
[iv] ... Euh, là, vous
avez le droit à un joker.
[v] Qui provient de
l'extérieur. En opposition avec endogène, qui provient de l'intérieur.
[vi] Il existe pour l’humain que trois systèmes qui codifient les stimuli
exogènes :
1. Le système de récompense : on est attiré
par la reproduction des actions qui nous ont déjà procuré du bien ou les
nouvelles qui sont associé à la notion de plaisir.
2. Le système de punition : déclenche la
fuite ou la lutte en cas de perception négative.
3. Le système d’inhibition de l’action : le
ressenti est négatif, mais le sujet n’estime pas pouvoir lutter ou fuir. Ce
système est générateur d’épuisement
lorsqu’il est maintenu dans le temps (voire « syndrome d’adaptation au
stress).