Introduction
Dans le Ninpo Nin-Jutsu®, comme dans beaucoup de Budo japonais traditionnels, il existe une série d’exercices associés au Mikkyo et au shugendo. Ils ont pour origine la connaissance des sages de l’Inde qui dans le passé rayonnaient jusqu’en Chine et bien plus tard, au Japon.
Il existe dans le profond ésotérisme hindou, une connaissance tantrique dont le Kuji-Kiri est sûrement issu. De plus l’invocation des Quatre Puissances que l’on associe aux quatre orients est également issue de cette connaissance ésotérique
Cette connaissance vient du Bouddhisme ésotérique (tantrique) japonais et du Shugendo. Il est illusoire pour toute personne pratiquante ou non, d’espérer une quelconque efficacité sans un profond respect de la philosophie sacrée, véhiculée par le Bouddhisme ésotérique, une étude patiente (guidé par un bon maître) et un respect pour ceux par qui cette tradition sacrée nous est parvenue. Par contre, tous les cœurs purs peuvent légitimement espérer à juste titre que ces techniques leur apporteront protection, force et pour les plus patients élévation.
Je m’excuse donc d’avance d’avoir un peu longuement développé l’historique et les structures humaines par lesquels nous sont parvenues ses méthodes. Ce texte n’est pas un développement complet des sujets traités mais une modeste introduction incluant les défauts de son auteur. Il aurait été impossible de résumer des philosophies aussi merveilleuses que le Bouddhisme ésotérique des sectes Shingon et Tendai ; sans oublier le Shugendo en si peu de lignes.
Le bouddhisme ésotérique : les sectes Shingon et Tendai
Il existe deux types de Bouddhisme. Le Bouddhisme exotérique qui fut révélé à la masse par Bouddha et un Bouddhisme ésotérique dont l’enseignement fut réservé aux disciples directs de Bouddha.
Ce bouddhisme se développa en Inde puis s’expansa vers la Chine et plus tard vers le Japon. En voici l’histoire au plus résumé.
Kûkai
Kûkai (Ku : ciel, kai : mer) est né le 15 juin 774 dans une famille de nobles.
La légende nous dit que Dame Tamayori, sa future mère, serait tombée enceinte après avoir rêvé d’un sage hindou ; saint qui lui révéla qu’elle accoucherait d’un fils après une grossesse de douze mois. Selon cette tradition, Kûkai serait né une année après cet événement ( !) les mains jointes dans l’attitude de prière. Cette tradition évidement plus allégorique qu’historique nous rappelle la conception et naissance de Bouddha, dont Kûkai allait devenir représentant.
Dès l’âge de huit ans, il étudia la philosophie de Confucius. Il étudia les idéogrammes chinois, la poésie et les classiques de Confucius avec son oncle maternel, savant confucianiste renommé. Kûkai était naturellement destiné à la carrière de haut fonctionnaire de l’état. Il fut donc envoyé à 18 ans au collège supérieur gouvernemental de la capitale, privilège réservé aux seuls enfants de familles aristocratiques.
A vingt ans, il quitta l’école et se mit en quête d’un instructeur afin d’étudier le Bouddhisme qui l’attirait. Il le trouva en la personne d’un moine célèbre appelé Gonzô. Ce dernier l’initia non seulement au Bouddhisme mais également à certains rites ésotérique dont le Kokûzô-Gumonji-hô[1] (pratique qui consiste à prononcer 1 million de fois la formule magique afin d’obtenir instantanément la science et la signification de l’ensemble des doctrines).
Bien avant que Kûkai ne devienne le représentant du pure Bouddhisme tantrique, il existait au Japon un Bouddhisme tantrique appelé Kozo mitsu introduit par Sanron Doji, lequel initia Zenji, à qui succéda Gonzô. Gonzô avait comme rôle de sélectionner les candidats à la pratique du Mikkyo, (bouddhisme tantrique aux pratiques ascètes très exigeantes).
Le Bouddhisme de cette époque n’était pas très encourageant avec ceux qui cherchaient la libération, considérant que l’illumination ne pouvait être atteinte qu’après un long cycle de réincarnation faites de souffrances de toutes sortes et d’ascèses rigoureuses. Kûkai sentait que le bouddhisme tantrique contenait en lui la possibilité de plonger directement dans le cœur et l’esprit de l’absolu. Sa démarche le conduisit à rencontrer des adeptes du Shugendo, qui selon la légende auraient été en possession de connaissances magiques. Il s’astreignit à une pratique ascétique rigoureuse. Il eut une révélation qui transforma sa vie et surtout sa façon de percevoir la vanité de l’existence terrestre. Il prit la décision de se faire moine en 793.
Ne parvenant pas à comprendre certains textes qu’il avait découverts, Kûkai partit en Chine à 31 ans, espérant trouver là-bas ce qu’il recherchait. Il y rencontra des grands maîtres indiens qui arrivaient du Cachemire : ils lui apprirent certaines formes de yoga, les yantras[2] et les Mudras, sans omettre la langue sacrée des vedas, le sanskrit. Il rencontra son instructeur à proprement dit en la personne du maître Hui-Kuo.
Deux événements confirmèrent à Hui-Kuo que Kûkai était bien l’élu, celui qui était choisi par le Bouddha pour devenir le futur patriarche de la doctrine secrète. En effet, il semble que Hui-Kuo connaissait depuis longtemps le plan selon lequel un disciple japonais serait son légataire. La relation entre le maître et son disciple était d’une telle qualité qu’il fallut moins de deux ans à Kûkai pour se préparer à assumer la responsabilité de patriarche du bouddhisme ésotérique. Son maître abandonna son enveloppe terrestre après avoir transmis à Kûkai tout ce qu’il avait, textes, objets rituels et mandalas.
Investit des plus hautes responsabilités jamais accordé à un adepte japonais, il commença sa mission d’instructeur. Il rapporta dans ses bagages la totalité du Bouddhisme tantrique mais avait également appris les langues, la calligraphie à haut niveau, la poésie, l’art de fabriquer les laques, la peinture, la médecine, l’astrologie et les sciences.
Il revint en 806 et fit remettre à l’empereur Heizei la liste de tout ce qu’il avait ramené de Chine. Cependant, l’empereur étant un fervent admirateur de Sachô, il ne daigna pas répondre à Kûkai. Pendant trois ans Kûkai resta en retrait ce qui lui permit sûrement de structurer son enseignement pendant que le Tendai de Saichô devenait cette magnifique école que nous connaissons.
Sous le règne de l’empereur Saga, Kûkai sortit du silence et de la retraite imposé par l’ancien gouvernement. C’est à ce moment, vers 810, qu’eut lieu la grande initiation au Takaosanji à laquelle participa Saichô. C’est à cette occasion que Kûkai fut officiellement reconnu comme le représentant du Bouddhisme ésotérique au Japon.
"Le Shingon est l’enseignement le plus profond et le plus élevé de toutes les écoles du Mahayana. Il se consacre à assurer la paix du pays par la prière, à sauver tous les êtres en chassant les malheurs et en apportant les bonheurs, et même les bonheurs de ce monde. Son idéal, c’est devenir Bouddha, dans cette vie, avec ce corps, ce qui signifie vivre dans la vérité". Kûkai
En 813, l’empereur Saga invita huit maîtres des huit écoles (les six écoles de Nara, le Tendai et le Shingon) dans son palais pour une discussion publique (« joute philosophique ») afin d’établir les mérites respectifs de leurs doctrines. Tous sauf Kûkai, affirmaient qu’il fallait de nombreuses vies afin de réaliser l’état de Bouddha. Kûkai profita de cette occasion pour exposer l’originalité de sa doctrine tantrique, laquelle argumentait que l’on pouvait obtenir la parfaite bouddhéité en une vie en s’identifiant au triple mystère de Bouddha. Cette affirmation fut immédiatement remise en question par les autres religieux. Kûkai au lieu de justifier de sa position intellectuellement, s’assis dans la position du Bouddha, fit des Mudras en psalmodiant des Mantras en visualisant Dainichi-Nyorai (Mahâvairochana ou Vairocana). C’est alors qu’à la stupéfaction de tous les témoins son corps devint lumineux puis progressivement se transforma sous la forme du Bouddha assis sur un lotus à huit pétales. Devant ce miracle tous les dignitaires se mirent à prier.
Kûkai poursuivit sa quête du lieu parfait dont il avait eu la vision afin d’y établir son école. Il le trouva à Kôya-san, sous la forme d’un plateau de cinq kilomètre par trois de large, entourés de huit pics ce qui donnait une image semblable d’un grand lotus rouge à huit pétales du mandala de la matrice. L’empereur Saga lui accorda la possession de ce territoire en 817.
Kôya-san allait devenir une école de Mystères à l’image de 108 hauts-lieux de l’Inde (sanskrit Shakti-pitham). Ces lieux hautement énergétiques sont des centres géographiques qui sont à la terre ce que les Chakras sont à l’Homme-Spirituel.
Il consacra officiellement le mont Kôya durant sept jours et sept nuits en 819. La construction pris beaucoup de temps, vu la situation isolé du temple. En 834, les fondations de la Grande Pagode Dai-tô sont posées.
L’empereur Saga ordonne à ce moment à Kûkai de se rendre au Tô-ji à Kyoto afin qu’il supervise la construction de ce temple. Ce temple avait pour but d’être magique dans sa construction même car ces deux édifices étaient construits selon les principes de la géobiologie sacrée afin de respecter les polarités Yin-Yang et les cycles astrologique. Le but de cette construction était d’assurer la paix et la prospérité de la cité.
Bien que constamment sollicité par la construction du Kôya-san, du Tô-ji, et des multiples cérémonies qu’il présidait ; il parvint à réaliser un autre de ses vœux : ouvrir une grande école gratuite et accessible à tous, où les arts, les sciences, les principes du Bouddhisme autant que ceux du Confucianisme seraient enseignés, ce qui était une première au Japon.
Il tomba malade et se retira des affaires publiques. Il se retira au Kôya-san et le 15 mars 835, il réunit ses disciples leur donna des instructions, dont 25 règles à suivre strictement par tous les fidèles, à respecter après sa mort et prédit sa fin définitive pour le 21 mars. Il se purifia spirituellement, revêtit un habit neuf et se rendit dans une pièce consacré à cet effet. Il se mit en posture méditative du Bouddha, exécuta le Mudra du Dainichi-Nyorai et des Mantras. Il resta en posture méditative sept jours et sept nuits, puis le 21 mars il s’identifia pleinement à Dainichi-Nyorai (Vairocana) et entra vivant dans l’unité divine.
Saichô (Dengyô-Daishi)
Saichô dont la doctrine est le Tendai, apporta au japon un enseignement ésotérique complémentaire de la doctrine Shingon.
Il naquit en 767 d’un père descendant d’un empereur chinois de la dynastie des Han et d’une mère appartenant à la puissante famille des Fujiwara.
A 12 ans, ce grand maître du Bouddhisme, montrant des capacités intellectuelles importantes, décida de quitter sa famille afin de se consacrer au Bouddhisme. Il étudie sous l’autorité du prêtre principal, le moine Gyôhyô au Kokûbun-ji. A 18 ans, Saichô, tout comme Kûkai, cherche à se démarquer du Bouddhisme de l’époque (secte de Nara). Il se retira donc sur le mont Hiei, lieu consacré aux retraites spirituelles et la prière depuis longtemps. Il y vécu en ermite afin de se consacrer totalement à l’étude des textes bouddhistes et à la méditation. C’est à cette époque qu’il s’intéressa à la doctrine Tendai qui faisait à cette époque partie des sectes de Nara et qui avait été amenée au Japon par le moine chinois Ganjin.
A 22 ans, il construisit un petit monastère, le Hieizanji (qui deviendra plus tard l’Enryakuji). Fort de son expérience, il redescendit de sa montagne afin d’aller enseigner la doctrine Tendai selon sa vision de celle-ci acquise sur le mont Hiei.
Saichô fut un instructeur très apprécié, même de l’empereur Kammu et chercha à faire de Tendai, une secte bouddhiste universelle et démocratique incluant tous les autres systèmes de pensée.
Le Tendai tire sa doctrine du Lotus Cosmique (Taizôkai) qui ouvre ses pétales autour du joyau secret (Kongôkaï), base de la doctrine Shingon. On peut dire que Saichô, commençant sa mission avant Kûkai, prépara la matrice (le Lotus) dans lequel la Joyau du Shingon allait s’épanouir.
Saichô partit en Chine afin de compléter sa connaissance en 804. Le « hasard » fit que sur une flotte de 4 navires faisant la traversée, Kûkai était dans le 1er et Saichô dans le 2ème. Il revint, après avoir intégré les connaissances du Mahâyâna (« Grand Véhicule » en sanskrit, en opposition à l’Hīnayāna « Petit Véhicule) et une connaissance accrue en Bouddhisme ésotérique.
Dès son retour Saichô présenta à l’empereur le rapport de sa mission et fut autorisé dès 806 à ordonner deux religieux par an, ce qui bien que n’étant pas le huitième patriarche du Bouddhisme ésotérique chinois, équivalait à une reconnaissance officielle de la nouvelle école. L’empereur Kammu, qui avait énormément aidé à la diffusion du Tendai, mourra de maladie. Il fut remplacé par l’empereur Heizei, favorable au Shintô, mais suite à une maladie, ce dernier fut remplacé par l’empereur Saga. Saga était une personne très sensible spirituellement, instruit en politique et bouddhiste convaincu. Cependant, cette fois l’empereur Saga favorisa la secte Shingon par laquelle il était attiré.
En 812, il semble que Saichô rencontra pour la 1ère fois Kûkai. Kûkai conduisit une initiation au rite du Kongôkaï mandala à un groupe dont faisait partie Saichô. La même année Kûkai fut autorisé à procéder à une initiation au rite Taïzôkaï[3] de 145 moines en présence de Saichô et quelques-uns de ses disciples. Cet événement marque la reconnaissance de la grandeur de Kûkai comme représentant du bouddhisme ésotérique Shingon.
Saichô demanda à Kûkai la plus haute initiation qui aurait fait de lui un maître en Bouddhisme ésotérique. Kûkai lui répondit poliment qu’il fallait des années d’études et de pratiques Shingon, ce que Saichô compris.
Saichô recevit à titre posthume de l’empereur Saga le Dengyô-Daishi (grand maître de la propagation de la doctrine) et la licence d’ordination pour ses moines
Mikkyo (Bouddhisme ésotérique)
Le Mikkyo est l’ensemble de l’enseignement secret du Bouddhisme ésotérique japonais. Le Mikkyo est un tantrisme dit de droite qui n’utilise pas de pratiques sexuelles
Il est une émanation du Bouddhisme Vajrayana qui s’est développé principalement au Tibet.
Le but du véritable Mikkyo n’est pas d’acquérir forcément des pouvoirs surnaturels mais lui permet d’accéder aux mondes des vibrations plus élevés du monde spirituel. Il permet également de transcendé l’ego afin que la personnalité puisse se mettre au service de l’âme,
Le triple Mystère
Toute magie, qu’elle soit occidentale ou oriental n’est possible que par le travail dans le pure respect de la Triade[4] Spirituelle :
1. Dieu le Père, le Penseur qui pensa l’Univers et qui mis ainsi la grande roue de l’évolution en marche.
2. Dieu le Verbe ou le Fils par lequel se manifeste la Volonté du Père, duquel découle les premiers rythmes de l’existence et les formes sous leurs aspects multiples.
3. Dieu le Saint-Esprit qui est le support de manifestation primordial qui fût fertilisée afin de servir de matrice sacrée à la vie
- Le premier mystère est Kannen, la pensée. Le pouvoir de la pensée est de diriger l’énergie, tout comme celui qui visualise Bouddha en son cœur finira par devenir Bouddha. Durant le Kuji non in, le pratiquant visualise successivement neuf divinités bouddhistes.
- Le second mystère est Shingon, la parole. A toute forme correspond un son, une note, et une couleur. La maîtrise de la fréquence permet de maîtriser la forme. Le Mantra[5] remplit le méditant d’une onde vibratoire. Les Mantras sont tous réliés à des divinités qui expriment certaines des qualités de Bouddha. La puissance du contrôle du son amène à rentrer en communion, à être à l’unisson du plan de conscience supérieur au plan humain et permet au récitant, de s’identifier à la divinité et d’en acquérir les qualités. Cette science a été largement démontrée en Inde. La langue sacrée, le sanskrit, a été érigé au rang d’art sacré, la maîtrise des sons, permettant ce qui peut apparaitre comme des miracles aux yeux du profane.
- Le troisième mystère est Shu-in (sanskrit mudra) et correspond à l’action. Les cinq doigts correspondant au Gorin (sanskrit Stupa ; voir ci-dessous), le fait de relier la forme (Mudra), avec son (Mantra) permet de s’unifier avec l’Esprit.
L’harmonisation du Principe Triple nous parle également :
- Des Trois Feux (du Père, du Fils et de la Mère ; feu électrique, feu solaire, feu par frictions) qui permettent à l’Homme-Spirituel de naître
- Les Trois Foyers en énergétique
- Les Trois constitutions en Ayurveda
Merci pour l'article!
RépondreSupprimerAvant de l'intégrer et d'identifier d'éventuelles questions de fonds, j'ai deux questions qui me sont apparues:
-tu dis que les tantras sont traditionnellement transmis de maitre à disciple pour qu'il n'y ait pas de danger d'intégrité pour le disciple (dangereux si l'esprit n'est pas purifié). Comment te situes-tu dans cette tradition? Plusieurs fois, je me pose ce genre de questions. Je te reconnais comme quelqu'un qui a un savoir à transmettre, comme un Maître, et j'apprécie particulièrement ta manière de préserver le libre arbitre de chacun et par la même, une démocratisation du savoir. Quelles questions éthiques cela te posent-ils?
-Aussi, le dernier rite d'exorcisme que tu présentes m'interpelle dans son utilité. Pourquoi chasser des "mauvaises forces" au lieu de les comprendre pour les solutionner définitivement? Symboliquement, connaître mon ennemi, connaître mon "mauvais lion", me permet de me positionner et selon une certaine éthique de choisir une autre direction. Chasser les mauvaises forces, c'est comme si je choisis de les fuir en mettant un outil entre elles et moi. Je ne suis pas certaine d'être claire. Je précise si besoin ma question (que je retrouve sous différentes formes dans différentes situations).
Merci d'avance de considérer ces questions et de me donner quelques pistes de réflexions, si ce n'est pas des réponses.
Elo