Introduction
Pratiquant depuis 35 ans les arts martiaux et enseignant depuis 32 ans le Ninpo Nin-Jutsu, j’ai été amené à méditer sur les 7 vertus confucéennes du Bushido.
Comme la plupart des personnes nées dans les années 70’, j’ai assisté à l’écroulement de vieilles valeurs : chute du mur de Berlin, entrainant avec lui les « méchants régimes communistes » qui marquait la fin de la bipolarisation de la politique mondiale. Elevé par des parents ayant grandi durant mai 68 et Woodstock, nous étions affamés par la création d’un nouveau monde débarrassé des comportements de nos grands-parents que l’on trouvait volontiers « coincés ».
Durant mes années d’études à Paris, j’aimais retrouver mes amis Kabyles et Portugais dans les cités pour discuter du monde nouveau à créer. Nous, les basanés, n’allions pas faire comme nos pères et mères qui courbèrent l’échine devant les gens sous prétexte qu’ils étaient immigrés. Nous avions grandis là en Europe, nous avions de l’instruction, nous pratiquions les arts martiaux à fond et n’allions pas se laisser casser par des flics qui déboulaient de leur panier à salade. Plutôt mourir ! On voulait leur montrer qu’on n’était pas de la racaille, mais des mecs bien malgré notre couleur.
Les années passèrent. D’élèves certains sont passés de l’autre côté de la barrière et devinrent les responsables des dojos. Qu’allions-nous faire ? Former des casseurs de flics ? Former les flics eux-mêmes ? Pour ma part j’ai choisi de ne pas oublier d’où je venais : moitié pêcheur mauricien, moitié paysan suisse ; de la fondue au curry !! On en avait bavé à cause des racistes, des contrôles d’identité au faciès. Allais-je me venger comme un con primaire ou défendre les petits. J’ai choisi depuis 21 ans de donner tout ce que j’avais dans les tripes afin de permettre aux femmes qui avaient peur des gros balèzes, aux petits mecs chétifs qui se tenaient voutés devant les forts et tous les autres oubliés de notre société d’accéder à leur propre fierté…d’être eux-mêmes tout simplement….
La réponse à la méchanceté, au racisme, à la haine, à l’exclusion, à la maltraitance et à la dévalorisation ne peut être une réaction de la même nature. Car la réaction alimente l’action primaire destructrice. Par contre, en essayant de transcender l’esprit de vengeance généré par la douleur, l’humiliation et la perte d’intégrité par de l’amour, ce sentiment si fort qu’il peut tout réparer en nous et même nous permettre de réaliser le miracle de nous réconcilier avec notre bourreau. Car temps que la réponse à la guerre se fera par la guerre, les cris et les pleurs se feront entendre sur cette Terre.
Travailler sur soi permet de devenir plus fort, de se relever dans la dignité après être tombé sous les coups, afin d’apporter une réponse positive de façon à ce que personne n’ait plus à tomber dans le futur pour les mêmes raisons. Nous formons non seulement des familles, qui forment des villages ; nous sommes aussi des nations qui forment l’humanité. Et c’est par l’atome vivant qu’est l’individu, que le corps de l’humanité peut retrouver une vraie santé.
L’accession à la maitrise technique d’un art martial met le pratiquant en face de ses démons :
· « Maintenant que tu sais te battre, tires-en profit pour toi ! Qu'attends-tu ? » se plaît à nous répéter notre démon. La tentation de molester le plus faible au lieu de lui venir en aide est une étape que chacun de nous doit traverser.
· « Il a osé te manquer de respect, vas-tu te laisser traiter ainsi ou alors réagir et le remettre à sa place ? » nous dicte notre orgueil.
· « Tu sais ce qu'il ignore et il te demande de partager. Pourquoi ?! Que t'ont-ils donc donné ? »
· « Rappelle-toi comment il t’a fait mal ; venges-toi et fais lui éprouver au centuple ce que tu as ressenti »
Ces démons intérieurs ne sont pas le défaut de quelques-uns mais l’une des propriétés de l’ego humain. L’art martial a ceci de particulier qu’il donne la capacité technique de protéger son intégrité mais également d’infliger la douleur gratuitement.
Dépourvu d’un travail sur l’affect et sur l’esprit, le pratiquant est susceptible de devenir une bombe à retardement dont le détonateur peut être n’importe quel accroc relationnel anodin. Canaliser la force, qui a permis de transcender toutes les limites physiques antérieures à la pratique, permet d’effectuer le même travail sur le cœur et l’esprit.
Or soyons clair, ce qui fut extrêmement dur d’un point physiologique n’est rien à côté de l’effort qui doit être consenti pour abattre nos démons. C’est la guerre sainte, la vraie, décrite par de nombreux Saints Hommes de toutes les religions, celle que l’on mène intérieurement afin d’abattre nos démons intérieurs.
L’être humain est la créature la plus évoluée sur cette planète mais ce n’est pas tant son corps qui le différencie de ses frères mammifères, mais bien le libre-arbitre dont il est le seul à bénéficier. Il a toujours le choix de faire le bien et d’être en harmonie avec l’univers, ou au contraire de faire le mal et de détruire. Ce libre-arbitre selon sa perception intérieure peut être une malédiction ou une bénédiction.
Nous savons depuis longtemps que quoique nous ayons subi ou fait subir, nous pouvons pardonner et ainsi sortir du cercle vicieux infernal de la destruction. Pardonner c’est réparer nos blessures qui justifiaient jusque-là nos mauvaises paroles et actions ; mais c’est aussi renoncer à s’autoriser à être médiocre et négatif. C’est s’ouvrir la porte de l’honneur de penser, parler et agir comme un être humain digne et fier de l’être ; d’être meilleur que nous fûmes.
Les sept démons intérieurs
Ils sont ésotériquement sept : les sept démons (ou sept péchés capitaux) sont :
· la luxure : l’abus des plaisirs sexuels désordonnés ou incontrôlés, le plaisir pour le plaisir. La luxure blesse le cœur, l’esprit et l’âme car elle les nie.
· l’avarice : par l’attachement aux biens matériels dont l’argent, l’Homme occulte l’ETRE au profit de de l’AVOIR.
· l’envie : est l’émotion ce que la volonté est à la raison. La convoitise, le désir intense de posséder le bien ou la qualité de l’autre, détruit la personne qui, au lieu de l’acquérir par le travail, le vole (au moins virtuellement) à son congénère.
· l’orgueil : est l’attribution de qualités personnelles que la personne n’a pas. Lorsque l’Homme exagérément fier n’arrive pas aux résultats qu’il veut il devient orgueilleux.
· la paresse : est la tendance à ne rien faire, la répugnance au travail et à l’effort.
· la gourmandise : ou la gloutonnerie est la recherche des plaisirs du palet. Elle s’oppose à la modération et la tempérance.
· la colère : est la réaction dépourvue de réflexion d’une blessure, un manque, une frustration.
Si ces démons sont au nombre de sept, c’est parce qu’ils sont les travers des sept corps subtils de l’homme :
L’Homme-Animal et l’Homme-Spirituel
Sept Véhicules Sept Plans de Consciences Sept Chakras-
Sept glandes endocrines
Divin Synthétique Coronal : Épiphyse(Pinéale)
Spirituel (Vital) Intuitif Frontal : Hypophyse(Pituitaire)
Causal (Humain) Altruiste Cardiaque : Thymus
Mental (Intellectuel) Mental Laryngé : Thyroïde-Para thyroïde
Astral Egotiste Ombilical : Pancréas
Ethérique Instinctif Sacré : Gonades
Dense Analytique Basal Surrénales
Compliqué ? Pas tant que ça car la forme peut sembler compliquée mais le fond est simple :
· L’être humain est composé de deux aspects, le corps et l’esprit qui sont deux pôles qui s’opposent neutralisés par un troisième, le cœur. Ce cœur est sa capacité à réfléchir par lui-même afin d’exercer en pleine conscience sont libre-arbitre.
· Symboliquement, dans le tableau ci-dessus, les trois véhicules inférieurs (dense, éthérique et astral) sont l’expression du corps et de la nature « animale » de l’Homme hormonal asservit à ses passions. Les trois véhicules supérieurs (causal, spirituel et divin) sont l’expression de la nature « spirituelle » de l’Homme dominant ses émotions et ses pensées.
· Le véhicule central est l’expression du penseur qui décide de ce qu’il est et veut devenir, conscient qu’il est le dieu de son monde intérieur.
Les sept vertus intérieures
Cette initiation, qui consiste à lutter seul tout au fond de nos abysses, est essentielle pour la suite de la Voie. Transcender ces sept démons nous permet d’accéder aux sept vertus confucéennes du Bushido qui sont symboliquement les sept anges qui exorcisent les démons intérieurs :
1. Droiture : est la capacité d’aligner (de se tenir droit) sa pensée et son émotion afin que le corps soit la pure et fidèle expression de ces dernières. C’est aussi la décision juste.
2. Courage : est une qualité qui requiert la peur pour se manifester. Il est la capacité que se donne l’être humain de transcender sa peur afin d’aller plus loin dans l’accomplissement d’actes qui jusque-là lui semblaient impossible. Comprendre ce qui est juste et le réaliser malgré la peur est le vrai courage.
3. Bienveillance : est la qualité d’âme qui fait de l’Homme un être qui souhaite ardemment et de tout son cœur le bien et le bonheur d’autrui.
4. Politesse : est la qualité qui permet de reconnaitre l’autre dans ses spécificités et de le traiter dans le respect de celles-ci. Elle reconnait à l’individu le droit d’éprouver ses propres sentiments. Elle permet des rapports sociaux respectueux et équilibrés.
5. Sincérité : est l’expression de sentiments vrais au moyen de la vérité. Elle est une vertu de clarté et de transparence dans les rapports humains. Elle implique l’adéquation entre le ressenti interne et le comportement social.
6. Honneur : est, extérieurement, acquis grâce à des actes reconnus par la société. D’un point de vue interne et ésotérique, l’honneur est l’acte dans le monde physique qui rend honneur à l’Homme Spirituel ou Âme par la qualité de celui-ci. L’Absence de vengeance, le respect total de l’intégrité de l’autre, la renonciation aux actions dégradantes ou dévalorisantes sont autant d’actes qui permettent d’être honorable. C’est le comportement juste.
7. Loyauté : est le dévouement envers une cause ou une personne. Elle implique la fidélité, la rectitude, la fiabilité et la crédibilité. Elle s’oppose à la tromperie et au mensonge.
Conclusion
Ces vertus sont bien loin des dogmes religieux. Elles nous parlent de l’acquisition de l'Esprit par l’Homme. Ce combat intérieur ou guerre sainte est symboliquement le combat des anges contre les démons pour la conquête du Ciel, de l’Esprit. Cette conquête se mène l’épée à la main car elle nécessite pour que la victoire intérieure soit totale de pourfendre nos démons et d’assumer les conséquences de tous nos actes négatifs passés (dettes karmiques).
Loin d’être cantonné au monde des arts martiaux ou à un passé révolu, cette quête du Graal nous met en face de la possibilité qu’à chacun de transcender une fois pour toutes sa nature inférieure et la douleur (dans la mort est le sommet) qui l’accompagne.
Lorsque les conflits de l’ange et du démon cessent, le silence se fait,
Laissant ainsi la place au Vide, séjour de l’Esprit.
Dédicace
Je dédie cet article à mon pire ennemi, MF, professeur d’arts martiaux, qui en violant une femme qui m’est très chère, m’a permis de finir ce combat intérieur commencé depuis longtemps. Suite à son acte ignoble, j’ai dû renoncer à ma nature inférieure qui me poussait à me venger afin de panser celle qui souffrait sous mes yeux. J’ai dû trouver en moi la force de guérir ce qui fût pour moi, avant cette expérience, la pire des guerres. Sans lui, je n’aurais pu être confronté à mes pires travers. Sans lui, je n’aurais pu les vaincre. Sans lui, je n’aurais pas eu l’occasion de donner tout mon cœur afin de réparer la blessure qu’il avait causé. Grâce à lui je suis pleinement entré dans le pardon. Qu’il lui en soit rendu grâce.
Je prie sincèrement de tout mon cœur pour que le jour où sa conscience se rappelle à lui, il sache se pardonner et faire à son tour ce qu’il faut pour faire amende honorable afin d’épanouir l’homme bien qui sommeille en lui.
Paix sur Terre aux Hommes de bonne volonté.