lundi 11 février 2013

Ninpo Nin-Jutsu / Le Bushido ou la Voie du Guerrier : Article 3[i]


La non-violence


Le Principe Suprême du combat est la paix

Bien que cela semble un paradoxe pour le néophyte, le Budoka poursuit un seul but : la Paix.

Lorsqu’un individu éprouve de la haine, il est susceptible d’être violent avec ses congénères. De même lorsqu’une nation éprouve de la haine à l’encontre d’une autre, le risque de guerre est au paroxysme.

Comme nous l’avons vu plus haut, la haine est un sentiment instinctif relevant du sentiment d’agression et du besoin de se défendre. En parvenant à maîtriser ses émotions, le pratiquant ne fait pas que de diminuer la haine, il la transcende.

La haine et la violence ont un effet séparatif et génèrent donc une énergie répulsive. Mais c’est surtout des forces qui s’opposent l’une à l’autre, valorisées par les Bujutsu, elles ont une conséquence destructrice.

La non-violence n’est pas dans ce contexte une éthique particulière, mais l’action de se mettre en harmonie avec les forces de l’Univers. C’est la capacité de s’adapter à notre environnement tant climatique que social, tout comme l’eau s’adapte au verre sans perdre sa nature. La non-violence est un comportement qui permet de s’adapter en évitant tout conflit à toute énergie, tout acte, toute émotion, toute pensée. Ce qui ne veut pas dire que la non-violence soit une justification à la lâcheté et l’atonie.

Alors que le Bujutsu valorise la violence cruelle, implacable et le rejet de l’inconnu, le Budo donne le pouvoir de transcender cela en force d’amour et en apprentissage afin d’acquérir de la connaissance.

Par un travail intérieur sincère, l’être humain évolue de la haine vers la perception de l’amour universel, qui conduit à l’unité intérieure et précède le travail final



La Non-Résistance (techniques avancées)


Lorsqu’une attaque se produit, une énergie violente et destructrice est mise en mouvement. Si l’attaqué s’en défend par la violence, sa propre énergie négative vient s’ajouter à celle de l’attaquant. Le résultat est un dégagement énorme d’énergie négative et les deux protagonistes dans ce cas en subissent à long terme les conséquences (Karma).

La haine est contraire aux Lois de la Nature car elle a un effet séparatif. Elle sépare extérieurement les Humains cependant on oublie souvent qu’elle produit le même effet intérieurement. L’être humain est composé comme nous l’avons vu de Yin et de Yang, de deux pôles magnétiques, négatif et positif. La Voie du Budo est d’aller au-delà du Tao, de le transcender. Pour le faire, il semble logique que la condition préalable soit d’entretenir et de purifier nos aspects féminins (Yin) et masculins (Yang) puis de parvenir à un mariage intérieur ou fusionnement des deux énergies en une.

Pour respecter les lois universelles, aucune force ne peut être détruite en tant que telle mais acceptée pour ce qu’elle est et transformée[1] sans qu’elle ne soit stoppée. Pour reprendre l’exemple de l’attaque, le pratiquant de Budo cherchera, au lieu de la bloquer, à « faire tourner » autour de lui cette énergie négative (évitant ainsi d’être touché « en plein cœur ») pour la renvoyer après l’avoir purifiée par ses sentiments (notion de « Kokoro », de cœur emplie de bonté et de compassion, qualités valorisées par le Bouddhisme).

Voilà la notion de non-résistance : savoir plier, s’adapter à l’attaque comme l’eau s’adapte à son contenant puis agir sur la qualité de l’énergie afin de transformer le destructif en constructif, la rendre enfin à son expéditeur sans haine mais, paradoxalement pour un néophyte, avec bonté et compassion. Cette façon de faire ressemble à ce qui se produit lorsque nous aidons un ami que nous aimons qui traverse une mauvaise passe. Si, de par sa souffrance il nous attaque verbalement, nous ne lui en tenons pas rigueur et au contraire lui faisons prendre conscience que nous voyons qu’il souffre et l’encourageons à se prendre en charge.

La non-résistance apparait souvent au débutant comme une théorie de lâches et de faibles. Pourtant il est facilement compréhensible pour celui que se donne la peine de réfléchir que contrer la destruction par la destruction amène…encore plus de destruction. Contre-attaquer avec violence c’est de la vengeance et devenir vengeur c’est devenir son agresseur. Bien qu’il faille s’armer de courage et de foi s’opposer à la violence par l’intelligence et l’amour permet d’inverser le cours des choses et de participer à la Paix.

La non-résistance permet surtout de ne pas aggraver la dette karmique. En sortant de la violence et en permettant même de participer à sa transformation, nous améliorons notre sort individuel et collectif.



L’esprit de groupe


L’Humain a compris dans son Histoire qu’il devenait plus fort en vivant en communauté dont les cloisons sont tombées au fur et à mesure de son évolution pour avoir à l’heure actuelle, plus que jamais, la perception de l’humanité comme étant un seul groupe.

Lorsque le travail spirituel débute, il arrive souvent que l’individu le fasse dans le recueillement procuré par la solitude. Puis, peu à peu, il prend conscience de son unité intérieure (laquelle est de nature triple : corps-âme-esprit) et ouvre les yeux (ou devrais-je dire l’œil…) sur le « Un Cosmique », l’Univers. Plus il médite et plus il prend conscience que ce qu’il appelle les lois de la nature, universelles, forment UN TOUT cohérent issu d’un Principe Unique. Il prend conscience du lien qui relie TOUT CE QUI EST dans l’Univers et que tout cela évolue logiquement en suivant un plan, un projet, le plus grand qui soit.
En pleine possession de son libre-arbitre et s’étant harmonisé tant intérieurement qu’extérieurement, il participe alors au plan en pleine conscience.

L’Humain est un peu comme un atome qui prendrait conscience de lui-même puis peu-à-peu s’apercevrait consciemment du tout : le corps. Bien qu’il ne perde pas sa propre conscience individuelle, il participe alors au fonctionnement global du corps, semblable à l’échelle microcosmique au plan universel.


La purification


Toute recherche de la voie qui conduit à la découverte du Soi, débute par une purification des quatre corps inférieurs.

Corps mental
Travail sur la qualité des pensées
Corps astral
Travail sur la qualité des sentiments et émotions
Corps éthérique (énergétique)
Travail sur le Ki (énergie vitale) et travail sur le Hara (l’ « océan d’énergie), le centre de gravité.
Corps physique
Alimentation saine, développement harmonieux du corps, sommeil de qualité
Tableau 36 de l'auteur



Vaincre la mort


Mais qu’est-ce que la mort ? Alors que l’occidental se considère comme une âme à l’intérieur d’un corps, l’oriental grandit dans une culture qui considère qu’il est une âme qui s’incarne périodiquement sur terre.

La peur de la mort est la peur-racine de l’être humain. Cette peur génère chez l’humain lambda les pulsions de vie instinctives : parce qu’il a consciemment envie de vivre, il respire, s’alimente et se reproduit car inconsciemment il fuit sa peur du chaos. Tous les concepts religieux ont pour fonction de nous sortir de la peur du néant spirituel. Alors que la science nous explique le fonctionnement « mécanique » de notre univers physique.

Par la loi du Tao, tout ce qui nait va mourir un jour. La vie est naturellement suivie de la mort : l’une et l’autre se génèrent mutuellement. Cela est vrai mais uniquement dans certains plans de conscience (4 plans inférieurs).

L’ego, durant l’enfance et l’adolescence, nous fait prendre conscience de notre individualité. De ce fait, la peur de la mort est encore accentuée par le sentiment négatif que la mort correspond à la dissolution de l’individu dans le néant. Cette illusion est, par le travail intérieur, transcendée et laisse la place à la vérité de la connaissance du Soi qui peut alors rejoindre le monde spirituel sans perdre la Soi-conscience.

L’ego existe par la reconnaissance sociale et ne supporte pas la non-existence. Tant qu’il gouverne la personnalité, la mort est une cause majeure de peur chez l’être humain.

Ne plus avoir peur de la mort correspond au travail intérieur d’admettre l’aspect illusoire de la vie et de la mort afin de démontrer que seule la vie existe ou plus exactement la vie de l’esprit. Lorsque l’Humain parvient à s’identifier totalement à l’Esprit et non à son corps, il sort du cycle des incarnations.

Tout comme l’âme et le Ki (le souffle) pénètrent et animent l’enveloppe corporelle dans le sein de la mère, elles le quittent à la mort. L’enveloppe charnelle se désintègre et retourne à la Terre (qui « recycle » les atomes physiques dans un processus qui débuta au Big Bang). L’âme s’en retourne alors dans le monde dont elle provient et attend de retourner dans une enveloppe terrestre afin de poursuivre dans l’université « Terre » son évolution sur la route de la quête du Soi.

Cela explique pourquoi et dans quel but les samouraïs s’identifiaient à l’objet de leur idéal : afin de transcender les sentiments du moi et transcender leur peur, ce qui leur permettait de s’affranchir de leur individualité donc de la peur de la mort.

Nous avons aujourd’hui la possibilité d’utiliser certains de leurs outils comme l’entraînement, la discipline, le travail personnel et la méditation afin de connaitre la nature immortelle du Soi divin. Nous sommes cependant dans le devoir de servir la paix si nous suivons dans le présent le code éthique du Bushido.



Déplacement de la conscience


Comme nous l’avons vu l’Humain est composé d’une nature inférieure, la personnalité ou le Moi, et d’une nature supérieure, l’Âme ou le Soi. Le but du Budo est de construire une route entre ces deux mondes afin que l’être humain prenne conscience de sa vraie nature.

La purification des corps inférieurs représente la première étape. Et ce n’est pas la plus simple : l’acte de purifier son corps, son cœur et son esprit se réalise par une attention constante et maintenue des années durant avant que le premier résultat tangible puisse se mesurer.

Après avoir purifié l’Humain instinctif et avant d’appréhender l’Humain spirituel, un long chemin débute sur lequel l’être humain doit volontairement renoncer à la Matière pour se tourner vers l’Esprit. Cette étape a largement été abordée par les religions et les philosophies, mais a souvent  été très mal comprise. Renoncer à la Matière n’a rien à voir avec le rejet du corps physique ou des mortifications (ou l’adoration de celles-ci). Elle représente le mouvement volontaire et consenti de la conscience de la Matière à l’Esprit : tant que l’Humain s’identifie à son corps physique, il vit dans le cycle des incarnations, lorsqu’il reconnait sa vraie essence, son âme, il commence à aborder la vraie notion de l’immortalité.

Lorsque l’Humain prend conscience de son âme et lui redonne sa juste place, sa personnalité peut mettre au service de son âme. Il devient alors la manifestation individuelle de l’harmonie de l’Univers. Il respecte ses lois et les vit. Il devient un saint humain, un homme de paix.



Hommage


Certains grands maîtres japonais ont permis de transmettre à la masse des moyens de réalisation. Car leurs capacités ne se limitaient pas à une adresse hors normes dans le domaine martial, mais ils étaient des êtres dont l’abnégation, l’humilité et la continuité du travail personnel sont toujours un exemple. De techniques guerrières ils ont su durant et après l’ère Meiji, transmuter des arts guerriers réservés à des clans en voie d’accomplissement accessible à tous les Hommes de bonne volonté.

Maître Jigoro Kano fondateur du Judo, Me Morihei Ueshiba pour l’Aïkido Me Funakoshi Gishin pour le Karatédo[2] et Me Takamatsu Toshitsugu pour le Ninpo font partie de ceux-là. Nés dans une période troublée de l’histoire du Japon, ils ont transmis des arts dont chacun pourra apprécier la pureté.

D’autre avant eux ont ouvert la route : Miyamoto Musashi, samouraï de légende fondateur de la Niten Ichi Ryu ; Iizasa Chōisai Ienao, fondateur de la Tenshin Shoden Katori Shintō Ryu ; Shingen Takeda un des principaux daimyos (seigneur féodal) ayant combattu pour le contrôle du Japon durant la période Sengoku et bien d’autres encore.



Conclusion


Le Budo est une voie de recherche du Soi dont les racines sont plongées dans les arts traditionnels japonais de la guerre. Bien que paradoxal le Budo a l’avantage de s’attaquer à un problème énorme chez l’être humain : son agressivité. Alors que nous vivons une période faste en termes de santé et de confort[3], la violence, qui n’est pas une manifestation de l’intelligence humaine mais plutôt une preuve de sa parenté avec ses cousins du règne animal, est en constante augmentation. Le Budo permet d’y remédier, par un travail de l’individu sur lui-même et par lui-même, en guidant étape par étape le pratiquant sur le chemin de la maîtrise de la personnalité afin d’accéder au Soi Divin.

A l’image de la médecine complémentaire qui traite la cause du symptôme, le Budo offre la possibilité de transmuter la violence en énergie créatrice permettant de construire un monde meilleur au lieu de la détruire. En donnant des outils à l’édification de l’Humain Spirituel le Budo soigne la cause de la violence : la peur. En effet, dans son long travail le pratiquant, après avoir édifié un corps en pleine santé, se tourne intérieurement afin d’y effectuer le même travail au niveau de l’affect et de la psyché.

Le Budo est le sentier abrupt qui monte vers le sommet, que peu choisissent de par son niveau de difficulté et d’exigences. Cependant même si les autoroutes de la plaine semblent évidentes elles ne conduisent qu’à d’autres routes qui ne conduisent pas toutes au sommet. Le Budo propose un discipline strict sans récompense, un travail de tous les jours sans aucun repos, la répétition de techniques jusqu’à la perfection mais en contrepartie il offre des trésors à l’esprit et à l’Âme de l’Humain qui lui est fidèle.


                                                                                     Jean-Christian Balmat
                                                                                     Fondateur de la Méthode






[1] Tout comme l’Humain transforme du Prana, des aliments, des pensées et des émotions en énergie qu’il utilise à chaque instant.
[2] Je parle dans ce contexte des arts originaux et non les sports qu’ils sont devenus en majorité.
[3] L’humanité actuelle, dans son immense majorité, ayant des conditions vies bien meilleures que celles que vivèrent les générations précédentes. Les progrès de l’agriculture et de la médecine ont augmenté notre espérance de vie et les conditions de celle-ci en général. Le niveau d’éducation en constante hausse permet à de plus en plus de gens d’accéder à la connaissance, l’information et génère une prise de conscience de masse des questions politiques, sociales et idéologique.

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